KIANGANI NDONGA Callystia

5eHumanités Pédagogiques (2015 – 2016)

Née à Kinshasa, le 14 octobre 1999

Novembre 2015

Les vraies voies – KIANGANI NDONGA Callystia 

Vous savez à quoi je pense lorsque les noms d’une personne commencent par les dernières lettres de l’alphabet ? Je pense que la société l’acceptera en dernière. C’est le cas d’une fille. Cette fille c’est moi. La veille de la rentrée scolaire, je me promets des tas de choses sur mon lit. Mais au fil de l’année, elles ne se réalisent pas. C’est un temps perdu de faire ce travail. Cette année, je l’élimine de mes coutumes personnelles. La Zowi Viamelou préfère passer une année particulière et unique. Même si elle sera remplie de surprises agréables et désagréables. Cette année doit être spéciale. Et surtout elle veut agir spontanément et sans réflexion.

L’école, le lieu tant redouté me sera encore obligé. Cela implique des réveils à 5h30, des petits déjeuners à 6h30 et le bus à 7h00 :

  • Fais vite KIAL. Il est déjà 7h02.
  • Je suis prête. Bisous maman.
  • Au revoir mes chéries.

Le premier jour de classe est toujours unique parce que c’est à ce moment que les nouveaux caractérisent leur désir face aux aïeux. Soit ils s’imposent, soit ils sont domptés.

Vous vous demandez certainement si je fais partie de quel type d’anciens. Le domptage n’était pas mon passe-temps favori. Et avec mes 1,75, je ressemblais à un mannequin en surpoids. Sans oublier mes doigts trop longs, mes cheveux en mode afro et mon arc de cupidon très remarquable qui m’ont toujours donné l’impression de ne pas être la sœur de Kial.

KIAL est brune. Elle est très différente. Avec ses merveilleux doigts courts et son nez trop fin pour une africaine, les gens ne pensaient pas que nous sommes sœurs. Mais KIAL fait plus garçon. Elle est tout de même belle malgré cela.

J’ai une sœur à l’école. Faire le domptage ne me ramènerait à rien. Et il y a aussi ce corps qui ne me le permet pas. Je suis trop mince.

Donc j’ai passé toute la journée avec ma meilleure amie. Rena est une fille que j’ai connue toute petite. Elle est dans une classe supérieure, parce qu’elle est plus âgée que moi. Elle me traite comme une sœur. Elle m’aide à me défendre en cas de perte de mots ou d’une rechute totale, à cause de mes émotions, triste, je pleure, en colère, je pleure… C’est vraiment embarrassant. Mais il faut apprendre à voler de ses propres ailes. Et il y a cette fille, Alya Awake. Elle pense que la terre tourne autour d’elle à cause de ses succès auprès des élèves. RENA dit souvent que ce n’est qu’une pauvre fille aux cheveux bouclés, mal peignés, à qui on rend le sourire même si elle vous regarde avec un air prétentieux. Honnêtement, je la trouve belle.

A la sortie, j’ai pris ma sœur, pour faire route ensemble. Parce que je l’avais vue traîner avec des enfants mal réputés. Peut-être ce ne sont que des préjugés sur eux. Mais moi, je veux protéger ma petite sœur.

Maman est déjà dans la cuisine à notre retour. Nous avons faim. Mais il faut d’abord que nous aidions notre mère à la cuisine. Au menu, il y a des patates douces cuites à l’eau chaude, des haricots secs à la sauce-tomate et des morceaux de poissons salés.

Chacun mange avec appétit jusqu’à ce que le téléphone sonne. Ma sœur décroche :

  • C’est Ralia, Dit-elle.
  • Mets-la sur haut-parleur, dit m’man.

Ralia nous dit qu’elle sera à la maison pour les fêtes de fin d’année. Ma sœur et moi poussons un cri de joie qui fait même peur à Ralia.

Ce soir-là, avec la fraîcheur que la pluie avait laissée, nous semblons bien dormir. Sur mon lit, je n’arrive pas à dormir. Il pleuvine encore. Alors je me mets à réfléchir. J’ai de la peine. Ma mère n’a eu que des filles. Par conséquent, personne ne sera là à l’aider lorsque ses filles seront toutes mariées. Elle sera obligée de payer les jeunes du quartier pour lui venir en aide. A moins qu’on lui trouve un domestique. Notre père est parti lorsque KIAL avait 7 ans. Et voilà qu’elle en a 13 aujourd’hui, et moi 17.

La vie continue ainsi. Chaque matin, je vais à l’école. J’essaie de ne pas succomber aux tentations de la troupe d’ALYA. Y compris d’elle aussi, « la fameuse ALYA ». Je ne veux que remplir mon devoir d’élève, et rentrer aux activités de la maison.

Maman voyage au mois de novembre. Elle veut faire un saut en Angola. C’est une grande tâche qu’elle me laisse : m’occuper de KIAL dans une grande ville comme Kinshasa. C’est mon devoir, oui !!! Mais est-ce que j’y arriverai ??? J’ai peur de ne pas être à la hauteur.

Nous avons tous assisté à la messe du dimanche avant le départ de notre mère. La messe a été célébrée par le Père Augustin. Après la messe, j’ai raconté au Père mes peurs. Il m’a donné un conseil à la fois amical et professionnel : « Des fois il faut essayer de laisser tomber la logique ». Nous sommes allées, KIAL et moi à l’aéroport pour accompagner notre mère. Elle avait l’air soucieux, mais elle était pleine de certitudes car elle savait que nous saurions nous débrouiller.

Nous nous sommes directement couchées après avoir mangé à 20 heures. C’est à peine que je dors. Les mots du père Augustin ne cessent de traverser mon esprit. Peut-être ces mots signifient-ils tout simplement qu’il ne faut pas que je réfléchisse trop. Sinon je vais perdre le contrôle. C’est pour cette discipline que j’ai opté au début de l’année. Je ne vais pas trop réfléchir mais il faut que je m’organise. J’ai ouvert les yeux pour établir une liste d’activités à éliminer afin de consacrer plus de temps à KIAL et à la maison.

  • Alors, il faut éliminer le cours de chant avec Igor et le cours de piano », me dis-je.

Je n’arrête pas de parler tout bas jusqu’à ce que j’entende des pleurs dans la chambre de ma sœur. Je m’y rends lentement et tourne la poignée. La porte est verrouillée.

Alors j’ai dit d’un ton faible :

  • Ouvre la porte.
  • Va donc dormir, tu ne peux rien faire pour moi.
  • Mais KIAL, je suis ta sœur. S’il y a une personne qui peut t’aider maintenant, c’est bien moi…

Enfin, elle ouvre la porte. J’entre tout doucement dans sa chambre. Je me mets sur son lit et j’essuie ses larmes.

  • Dis-moi, qu’as-tu donc à pleurer ?
  • Regarde-toi. Tu es une femme. Beaucoup de jeunes de ton âge veulent que tu sois leur copine. Mais tu es tellement raisonnable que tu les rejettes tous.

Je savais où KIAL voulait en venir avec ce discours. Après une succession de mots, elle m’a confié sa plus grande peur. C’est de « ne pas être conforme à la vie ». Ma pauvre petite sœur est apparemment une fille post-pubère. Elle a 13 ans mais aucun signe de féminité n’est présent.

Je me blottis contre elle, la console, puis nous nous endormons.

« Wouah ! wouah ! »

  • Pourquoi ce chien aboie-t-il si tôt ?

Je jette un coup d’œil à l’horloge. Il est déjà 6h47. C’est la panique totale. Juste le premier jour historique, celui qui doit marquer mon taux de responsabilité et ma valeur de grande sœur, qui commence avec une panique.

Nous sommes arrivées à l’école huit minutes après le début des cours. Ce qui a fait que nous soyons en retard c’est la nuit agitée que nous avions passée. A cause de ce retard, nous devons ramasser des feuilles dans la cour pendant une heure.

Je ne peux pas incomber la faute à Kial même si elle est parfois horripilante. Elle souffre. Et c’est de mon devoir de souffrir avec elle.

Après ce travail, nous nous sommes dirigées dans nos classes respectives. Les jours suivants ont été mieux jusqu’au jour où :

  • Madame Viamelou ! Viamelou !!, hurle le professeur.
  • Elle est au septième ciel, répond Alya, d’un air provocateur.

Je n’ai jamais été pensive en classe. Mais ma chère sœur me rendait malade. Je ne me pardonnerais jamais si quelque chose de mal lui arrivait. Je sens qu’elle est en train de commettre une bêtise. A la fin de la journée, je suis allée voir le professeur Khonde. Je me suis excusée auprès de lui pour le break-out que j’ai fait durant son cours.

Nous avons mangé des fougères au riz au souper. J’ai décidé de parler à Kial avant le retour de maman. Elle doit m’expliquer pourquoi elle est si triste.

  • Kial !! Qu’est-ce qui ne va pas ?
  • J’en ai assez des élèves de ma classe.

Notre école, Institut Catherina est remplie de méchantes personnes. Les élèves de sa classe se moquent d’elle parce qu’elle n’a pas de seins. Et elles lui ont remis des pilules qu’elle a prises cette semaine. Ses copines lui ont fait croire que ces pilules stimuleront ses hormones féminines :

  • La santé n’a pas de prix.
  • Sais-tu comment je souffre ? », elle réplique en pleurant. Il faut que je calme les tensions.
  • KIAL, tu sais ce que cela signifie ?
  • Ce que signifie quoi ?
  • Ton prénom ?
  • Oui : « Ne se trompe jamais ».
  • Kial tu es parfaite. Advienne que pourra, mets-toi en tête que tu es parfaite. Et les personnes qui t’aiment, t’aiment pour ce que tu es. Je t’ai Kial.
  • Je t’aime aussi Zowi.
  • Mais il faut absolument le dire à maman.

Maman est rentrée cinq jours avant la Nativité. On ne pouvait pas encore dire cela à notre mère, de peur de l’embêter. Parce qu’il ne nous reste que quatre jours pour préparer l’arrivée de notre sœur adorée. Alors, nous avons peint la maison. Nous avons installé notre grand sapin que maman avait rangé depuis six ans. Comme la tradition familiale l’exige, il faut que tout le monde décore le sapin. C’est pourquoi nous avons laissé l’étoile pour que Ralia l’installe au sommet.

Le vingt-quatre décembre arrive. Maman va à l’aéroport vert 17 heures. Kial reste à la maison parce qu’elle ne se sent pas bien. Et moi je vais chanter la messe à la chapelle. C’est merveilleux de chanter le réveillon de Noël. Avec Rena, nous faisons même un solo ensemble. Elle prend le soprano et moi l’alto. Avec le chœur, nous exécutons le Divin Enfant, le Cantate de Noël, Les anges dans nos campagnes

Après la messe, je rencontre un vieil ami de Ralia, Kalefou. Il est robuste, élancé et très noir. C’est pour cela que Je l’ai reconnu. Il me dit que je chante super bien. Du coup, mes yeux se mettent à pétiller. Au moment où j’allais ouvrir notre portail, je vu Monsieur Zingo.

  • Bonsoir Monsieur Zingo et joyeux Noël, je crie.
  • Merci à toi, ma petite fille, il dit.

Monsieur Zingo doit déjà avoir bien entamé le troisième âge. Sa voix est tremblante et il a un timbre de vieillards. C’est pour cette raison que les jumelles de notre voisine qui n’ont que trois ans ont peur de lui.

Je saute sur Ralia dès que j’ouvre la porte. Elle est tellement belle. Je dirai même une Néfertiti contemporaine.

Retrouvailles remplies d’émotions ! Je veux l’accompagner dans la chambre que nous avons apprêtée. Mais elle me dit qu’elle va s’installer dans ma chambre.

KIAL et moi dévalisons ses bagages jusqu’à ce que maman crie :

  • Le dîner est servi.

Je murmuré tout bas : Euh ! Mais maman, au Zaïre, le repas du soir n’est pas appelé dîner. On parle de « souper ».

On se met toutes à rire.

Je sors de la chambre en laissant la porte ouverte. A ma grande surprise, je trouve un homme blanc, installé sur le sofa. Il doit avoir la vingtaine. Les cheveux acajou, courts et rudes. Il regarde la télé et ne m’a pas apparemment vue.

Je cours vite dans ma chambre pour demander à Ralia si elle est accompagnée. Effectivement, elle l’est. Il s’appelle Peter Douglas. Et c’est à travers son ami qui l’avait accueilli en Australie qu’elle a connu Peter. Il est à Kinshasa pour des vacances.

Lorsque je rentre au salon, cette fois-ci avec Ralia, Peter est déjà à la salle à manger en face de maman. Maman a commencé un discours en l’honneur à Peter, celui-ci se présente. Et les derniers mots du discours : « Sois le bienvenu Peter. Prions ».

Après une courte prière, nous dégustons nos mets. Le repas est très délicieux. Malheureusement, Peter et Ralia n’ont pas bien mangé. Pour excuse, ils déclarent que c’est à cause du décalage horaire.

Vers 23h50, pour combler l’ennui qui régnait au salon, je prends ma guitare pour chanter White ChristmasDu coup, Peter veut m’accompagner avec le vieux piano qu’utilisait mon père. Avant qu’il ne devienne ivrogne. Et nous abandonne. Je regarde ma mère. Son regard passe un message qu’elle est parfaitement d’accord. Alors, je remets à M. Douglas la partition et me mets à chanter :

« I’m dreaming of a White Christmas
Just like the one I used to know
Where the tip top glisten, and children listen
To hear sleigh bells in the snow
I’m dreaming of a White Christmas
With every Christmas cards I write
May your days be marry and bright
And may all your Christmases be white

Ils applaudissent tous en chœur. Et moi je m’étonne de cette performance.

Le 25 décembre, je quitte mon lit à 10h00. Peter et Ralia sont au salon. Elle décide après mes salutations de réveiller Kial. Et c’est à cet instant que Peter me dit :

  • Sais-tu pourquoi je suis ici ?
  • J’imagine, pour les vacances. Pourquoi ?

Il sourit et dit :

  • Non pas seulement pour les vacances. Mais parce que ta sœur m’a supplié. En fait, je suis un agent de liaison et j’ai besoin que tu viennes participer au concours australien « The Great Voice of Teens ».

Moi qui pensais qu’il était venu pour les vacances. Pourtant, il est là pour affaire. Il continue en disant que les participants viennent du monde entier. Il semble sûr que j’ai des chances d’être retenue. Le concours commence en février mais les conditions se remplissent en ligne. Je monte une vidéo et j’envoie. « Es-tu d’accord ? ». J’acquiesce de la tête.

Nous travaillons une chanson que je connais, cinq heures durant. Et nous l’envoyons au site du concours. Personne n’est venu nous déranger, même pas pour assister à la cuisine. Parce que le soir, à table, il y avait du risotto, du poulet rôti et d’autres plats que vous consommerez toute une journée. C’était un Noël presque parfait. Tout le monde était heureux grâce à ce merveilleux rassemblement.

Le lendemain, nous sommes au salon en train de déjeuner à l’exception de KIAL. Maman va la voir. Et l’inattendu surgit. Ma mère pousse un cri horrible. Elle hurle : « Passez-moi le téléphone ». Je ne l’ai jamais vue si paniquée. Je cours dans la chambre de KIAL et je vois de mes propres yeux. KIAL est allongée par terre. Elle est évanouie. Elle l’est réellement. On ne peut pas attendre l’ambulance. Alors on prend la voiture pour se rendre aux urgences de l’hôpital Saint Dominique.

Nous passons deux heures dans la salle d’attente, sans nouvelles jusqu’à ce qu’une infirmière se pointe en criant notre nom de famille « Viamelou !!! ». On se pointe tous, mais elle ne permet qu’à notre mère d’entrer dans la chambre de KIAL. Après une longue attente, nous la revoyons tous.

Elle est pâle et sa figure arbore un faible sourire. Dès ma sortie de l’hôpital, je pleure. Et Ralia me tapote sur l’épaule en disant : « Ne pleure pas. Personne n’est mort ». Nous rentrons tous à la maison sauf notre mère.

Lorsque nous retournons à l’hôpital, nous sommes tous dans la chambre de KIAL à raconter des histoires passées de son enfance pour qu’elle retrouve le sourire. Quelques temps après, ma mère et moi sommes au restaurant. Je fais un effort de manger ma tranche de pain. J’entends une voix familière pleurer. Je me retourne vers ce son pour voir la personne qui pleure.

Cette personne ressemble à Alya Awake vue de profil. Je me lève pour mieux voir. C’est elle. Je m’approche et nos yeux se croisent. Ce n’est plus la même fille que j’ai connue. Sa figure est toute blême et en larmes. Je l’embrasse en oubliant le passé. La pauvre, elle vient de perdre son père. Elle me répond : « ZOWI, je ne sais pas rester ici. Il faut que j’aille dehors ». Elle court vers sa mère assise dehors. Je suis figée, puis ma mère m’emmène avec elle au bureau du médecin traitant de KIAL :

  • Bonjour mesdames, il dit.
  • Bonjour Docteur, répond ma mère.
  • Madame Viamelou, vous devez être forte. L’IRM de votre fille a montré que… » Il s’interrompt. Il regarde le dossier. Il toussote et continue : Excusez-moi. L’IRM de votre enfant a montré que son appareil génital a une anomalie.
  • Laquelle ? dit ma mère.
  • Il a des testicules à la place des ovaires. C’est donc un enfant hermaphrodite.

Pendant que le médecin continue son charabia médical, j’ai les pensées dans un monde noir où les mots vous font souffrir comme un glaive de feu. Et soudain les souvenirs me reviennent. Je dis :

  • Docteur, il y a de cela deux semaines qu’elle m’a avoué prendre des pilules pour stimuler ses hormones féminines. Est-ce pour cette raison que son organisme a réagi ainsi ?
  • C’est la puberté. Il y a beaucoup de facteurs qui interviennent mais on l’aurait toujours su.

A la sortie du bureau du médecin, ma mère se met à me hurler. C’est totalement mérité. J’aurai dû lui confisquer ses plaquettes et fouiner dans ses affaires. Et le pire c’est que je ne l’ai même pas dit à maman. Une seule solution : accepter l’intervention chirurgicale.

KIAL fait preuve de grandeur lorsqu’on l’informe à propos de son état. Elle dit : « Je serai un garçon, s’il le faut ». Et à l’instant même, il demande une tondeuse pour couper ses cheveux. Notre pauvre sœur doit se choisir le vrai genre à s’attribuer.

Parfois on se perd en chemin quand on ne sait plus que faire lorsque se présentent deux sentiers. On ne peut pas faire demi-tour parce que le passé nous rattrapera. Et on aura perdu notre temps. On ne peut pas non plus rester sur place et rater cet événement car le temps s’écoule. On ne peut pas non plus risquer de prendre le sentier dont l’arbre cache la forêt. Et se perdre à jamais.

Ce sont ces idées qui défilaient dans ma tête jusqu’à ce que Peter hurle : « Qu’est-ce qui se passe dans ta tête, jeune fille ? Ton rêve est proche de devenir réalité… et te voilà qui ne veux pas l’embrasser ». Des larmes coulaient sur mes joues ravagées par l’acné. Puis j’ai dit : « J’aime KIAL, je ne peux pas le laisser seul ». Il ne hurlait plus et il a dit : « Bon sang ! Il ne sera pas seul. Il sera avec ta mère… ».

Une semaine était passée depuis que KIAL a été opéré. Son opération a réussi. Le médecin lui a retiré ce qui semblait être son utérus ; la changeant ainsi en personne de sexe masculin. Ce dont j’avais peur, c’est qu’il ne reste seul à la maison parce maman venait tout juste de s’acheter une ferme à l’Est du pays.

  • Je te laisse réfléchir, dit Peter avant de fermer la porte de ma chambre derrière lui.

Après une longue réflexion, je vais vers KIAL. Il dort paisiblement sur son lit. Je l’observe, puis il ouvre les yeux. Je lui souris :

  • ZOWI ?
  • Oui mon chéri.
  • Tu peux partir en Australie. C’est ton rêve qui est en jeu. Et je ne veux pas que ma conscience me reproche un jour que je l’ai brisé.

Je le regarde. Il avait toujours le sourire faible de cette fille qui avait capturé mon frère avant de le laisser prendre son envol.

  • Viens-là mon grand ! je dis en écartant mes bras.

Je l’embrasse aussi fort que je n’ai pas peur de l’étouffer.

Après ce chaleureux moment fraternel, je cours téléphoner à Peter pour lui annoncer que j’irais avec lui en Australie pour les secondes auditions avant le concours.

Notre départ est fixé au samedi. Pourtant nous sommes mardi. Et le vendredi, lorsque je prépare mes valises, Ralia entre dans ma chambre :

  • Sais-tu ce que ton nom signifie, ZOWI ?
  • Je sais juste que c’est en KIANI. La langue des origines de maman.
  • ZOWI signifie « destinée ». Je suis contente et fière de toi pour ce choix.

A l’aéroport, nous nous embrassons avant le dernier appel. Ralia, Peter et moi courons en laissant maman et KIAL faire un signe d’au revoir avec leurs mains.

Dans l’avion, j’occupe le siège près du hublot pour profiter du paysage. Ralia s’installe sur celui du centre et Peter près du couloir.

Vous savez, hormis les problèmes de santé de mon frère, j’avais une autre préoccupation. Celle de ne pas me faire accepter par les autres. Qui aurait cru qu’un jour j’embrasserais ALYA ? La vie est imprévisible.

J’admets que je ne suis pas la fille parfaite que j’ai toujours voulu être. Mais je suis la fille qui eut le cran d’opérer certains choix. Et j’en suis énormément fière. Car ce sont ces choix qui me conduiront vers le chemin « Avenir ». Et c’est lui qui fera de moi « Valeur ».

De la fourmi si proche sous nos pieds à l’étoile éloignée sur notre tête, chacun a son histoire. Et c’est cela qui nous rend particulier. Les choix nous appartiennent. Alors, à nous de suivre nos voies.

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